Suite à mon précédent article sur les grosses colères des jumeaux entre 2 et 4 ans, j’ai reçu plusieurs réactions qui m’ont donné envie d’explorer le rôle des émotions, et comment aider les enfants à les exprimer d’une manière adéquate. Car tout le monde est d’accord: passé 4, 5, …6 ans, il devient franchement difficile d’imaginer se rouler par terre parce que la vendeuse refuse de nous laisser partir avec le rayon des peluches au grand complet sous le bras! Ce que tout le monde ne sait pas en revanche, c’est que comme toute émotion, la colère est une réaction physiologique tout à fait normale. Mais comment la colère peut-elle être positive? Et comment pouvons-nous aider nos enfants à l’exprimer d’une manière constructive?
La colère: à quoi sert-elle?
La colère fait partie de la gamme des émotions « primaires », qui comporte également la joie, la tristesse et la peur (ainsi que la surprise et le dégoût, selon certaines classifications). Ces émotions sont universelles: tous les êtres humains les ressentent dans certaines circonstances. Ce sont des mécanismes spontanés, présents dès notre naissance et destinés à nous faire réagir pour survivre. L’exemple le plus frappant en est la peur: quand on voit une bête sauvage, il est salutaire d’avoir peur car c’est cette émotion qui nous pousse à réagir immédiatement pour nous mettre en sécurité!
La colère joue elle aussi un rôle fondamental dans notre survie sociale: nous la ressentons lorsque notre intégrité (au sens large) est bafouée et nécessite d’être ré-affirmée ou restaurée. On pourrait dire qu’il s’agit de l’émotion de l’affirmation de soi. C’est donc un signal précieux! On affuble souvent cette émotion de l’étiquette »négative » alors qu’on le voit, elle a au contraire un rôle extrêmement positif. C’est pourquoi les spécialistes préfèrent la qualifier d’émotion désagréable.
Il faut également savoir que si l’on réprime systématiquement sa colère (la sienne ou celle de ses enfants), elle ne disparaîtra pas, mais restera tapie en nous, prête à resurgir. Elle risque donc de s’exprimer à une autre occasion, qui ne sera pas forcément la bonne, ou de nous rendre malheureux: à force de ne pas écouter sa colère (qui signale un besoin de restauration, de réparation de son intégrité), on pourrait bien finir par accepter des choses inacceptables (un travail qui ne nous plaît pas, un conjoint qui ne nous respecte pas, etc.). Est-ce vraiment ce que nous voulons, pour nous-mêmes ou nos enfants?
Comment exprimer sa colère, en tant que parent?
D’abord, il est précieux de s’autoriser à ressentir sa colère. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas la colère qui mène à la violence: c’est le couvercle que l’on met sur sa colère qui finit par sauter et qui transforme en violence cette colère trop longtemps ignorée ou réprimée. Parents, si vous voulez être non-violent avec vos enfants, écoutez ce que votre colère a à vous dire, avant qu’elle ne doive crier!
Une fois notre colère reconnue et ressentie, il est temps d’utiliser ce merveilleux outil dont nous disposons en tant qu’adulte, et qui fait cruellement défaut à nos bambins: un cortex préfrontal développé! En effet, c’est grâce à lui que nous pouvons:
- réaliser que nous sommes en colère
- prendre du recul sur notre colère
- réfléchir aux raisons de notre colère
- verbaliser notre colère ou l’exprimer d’une autre façon qu’en claquant les portes: respirer profondément, sortir prendre l’air ou courir, se passer les mains sous l’eau froide (l’eau fraîche a des vertus insoupçonnées en cas de colère, lisez cet article si vous êtes curieux!), etc.
Bref, notre cortex préfrontal adulte nous permet d’avoir une réaction (à peu près et dans le meilleur des cas!) constructive quand nous sommes en colère, au lieu de réagir de façon automatique, guidé par notre instinct de survie qui lui, pourrait nous mener à la violence (c’est ce qui se passe notamment quand nous sommes sous stress – l’excès de stress étant l’un des obstacles les plus courants à l’éducation positive).
Comment aider son enfant à exprimer sa colère sainement?
Comme je le disais ci-dessus, les enfants n’ont pas encore terminé de développer leur cortex préfrontal et par conséquent, il est illusoire de s’attendre à ce qu’ils puissent gérer leur colère aussi bien que nous. En revanche, les enfants apprennent en nous imitant! Cela fait longtemps que les pédagogues le savent, et les neurosciences en rajoutent une couche: le cerveau des enfants se façonne en fonction de ce qu’ils voient autour d’eux et les études scientifiques réalisées ces dernières années le confirment. Les enfants intègrent les comportements des adultes qui les entourent: si les adultes tapent, les enfants apprennent à taper. Et bien sûr, plus ces comportements sont fréquents, plus l’apprentissage se renforce chez les enfants.
Je l’ai moi-même expérimenté, petite anecdote: me sentant impuissante à faire « décoller » mes jumeaux de la maison au moment de partir, de rage j’ai jeté une petite voiture par terre, alors qu’ils avaient dix-huit mois. Mon fils m’a regardée attentivement, et a refait exactement le même geste! Ça m’a fait l’effet d’une douche froide, et m’a calmée instantanément: ce n’est pas ce que je souhaite enseigner à mes enfants.
Naturellement, tout l’environnement joue un rôle dans cet apprentissage: l’autre parent, le reste de la famille, les copains, l’école, la crèche, etc., pour le pire et le meilleur. Il est également possible, et très utile, de parler des émotions aux enfants (j’en parlais à la fin de mon article sur la gestion des colères chez les 2-4 ans). Je vous proposerai également d’autres pistes dans de prochains articles mais pour l’instant, je vous laisse sur ce mot d’ordre, aussi simple à mémoriser que (parfois) difficile à pratiquer: montrez l’exemple!